Mais pour moi, que la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste ma seule fierté. Par elle, le monde est crucifié pour moi, et moi pour le monde.
Ga 6,14
Myriam Tonus
48-50
Près de terminer sa lettre aux Galates, Paul leur livre ce qui est pour lui le tout à fait essentiel, qui a bouleversé sa vie : le Christ Messie crucifié. L'apôtre se complairait-il dans une fascination morbide de la souffrance ? C'est malheureusement ainsi qu'au fil des siècles, certains auteurs ont entendu les propos de Paul… faisant, du même coup, une coupable impasse sur tout ce qui s'est déployé au fil de l'épître. Ce qui a transformé Paul, le faisant passer de persécuteur à apôtre, c'est une expérience intime, inscrite dans sa chair. Lui, implacable défenseur de la Loi de son peuple, qui "respirait la menace et le meurtre contre les disciples du Seigneur" (Ac 9,1), voici qu'il reçoit cette révélation qui jette bas ses certitudes les plus ancrées : en se rendant librement dépendant de la croix, Jésus met à nu la Loi religieuse qui le condamne. Il affranchit du même coup tout être humain par rapport aux préceptes d'une Loi qui n'est pas faite pour la vie mais au contraire enferme dans le péché et la mort.
L'expérience de Paul est celle de la conversion. Non pas ce qu'on entend généralement par ce mot – l'adhésion à une nouvelle doctrine – mais bien la metanoïa, ce bouleversement complet qui est comme une inversion des pôles. Non plus le devoir dicté par la loi, mais l'infinie liberté portée par le souffle de l'amour ; non plus la dépendance de l'esclave par rapport à Dieu, mais l'insigne dignité du fils ; non plus la nature humaine livrée à ses errances, mais l'humain recréé, habité de la vie même de Dieu, devenu pour le monde icone du Christ qui vit en lui. Libéré, délivré, définitivement affranchi sans que pèse une quelconque dette, Paul prêchera désormais la bonne nouvelle d'un messie crucifié. Scandale et folie aux oreilles des bien-pensants. Extraordinaire libération qui crucifie tout ce qui, en nous, demeure servilement lié aux routines et pouvoirs du monde.
Myriam Tonus
Dampremy